la petite mère de la rue Rouen


La Rentrée scolaire de cette année, ce n’était pas seulement le retour des petits mousses aux cheveux de blé et aux pieds volants, aux sacs-à-dos brillants comme des Cadillac fraîchement cirées, aux sacs à lunch préparés le soir d’avant papa ou maman. C’était aussi le retour de Madame Tremblay, ma belle brigadière aux trente-quatre ans de loyaux services. Je pense qu’il y avait là quelque chose du soulagement dans cette présence qui annonçait un petit bonheur pour chaque matin à venir, une joie simple pour toute une année encore. Elle lève encore son STOP lentement à l’arrivée des petits fous, plus doucement encore qu’en juin dernier, ce qui lui donne une certaine majesté. D’autres fois, entre le rire et le sérieux, elle fait de grands discours sur les énarvés du steering wheel qui lui filent sous le nez, à de rares parents qui s’agglomèrent sur le coin du trottoir, comme autant de pingouins sur la banquise, après quoi, lorsqu’ils disparaissent dans les remous des 9 à 5, elle courbe un peu le dos, fait faire à sa pancarte trois tours dans un sens, puis deux dans l’autre. Et Madame Tremblay reprend sa canne, vers la neuvième heure, pour disparaître jusqu’au midi.